Crises d’angoisses, maux de tête, vomissements, pleurs, colères, troubles du sommeil ou irritabilité dès le dimanche soir… Nombreux sont les jeunes en détresse en contexte scolaire au point de ne plus pouvoir y mettre les pieds. On parle alors de phobie scolaire, anxiété scolaire ou refus scolaire anxieux.
Ce trouble atteint les garçons comme les filles, les bons élèves ou les moins bons, les petits enfants comme les adolescents ou les jeunes adultes…
Difficile de savoir combien de jeunes sont concernés… En farfouillant entre différentes études, il semble que 5% des jeunes entre 8 et 18ans en passent par-là. Bref, autant dire que ce trouble est bien plus fréquent qu’on ne pourrait l’imaginer.
Comment savoir si c’est une phobie scolaire ?
Le refus scolaire anxieux se définit souvent comme une peur des situations scolaires qui conduit très souvent le jeune à éviter de s’y confronter. D’où un absentéisme assez fréquent qui inquiète beaucoup les parents.
Ces derniers constatent aussi des crises, parfois très violentes, dès lors qu’ils essayent de forcer le jeune à partir en cours. S’ils cèdent, le jeune se calme et promet de retourner en cours dès le lendemain : mais rebelote !
Le jeune garde pourtant bien souvent le goût des apprentissages scolaires et ne refuse pas le travail à la maison.
Une histoire de curseur
On me demande souvent si tel jeune présente effectivement une phobie scolaire ? Oui ou non ? Mais il y a en fait un continuum entre une anxiété scolaire « classique » et une phobie scolaire. D’ailleurs, certains jeunes que je reçois pour phobie scolaire ont vu le curseur glisser doucement du mauvais côté du continuum. Bref, si la phobie scolaire peut parfois se déclencher soudainement, la plupart du temps, les mécanismes sont plus subtiles et progressifs.
Cette notion de curseur est importante car on fait souvent appel aux psy qu’une fois du côté obscur de la force. Or, mieux vaut intervenir au plus tôt, idéalement en amont. Et quand je dis intervenir, je pense bien sûr à des consultations individuelles avec les jeunes, mais aussi à des sensibilisations des équipes pédagogiques ou de la prévention concernant le harcèlement scolaire…
Certains signes avant-coureur peuvent alerter les parents avant que le curseur n’aille trop loin: trouble du sommeil, renfermement sur soi, anorexie, scarification, irritabilité… Mais encore faut-il qu’ils les perçoivent car les jeunes les cachent souvent très bien !
Quels sont les facteurs qui participent à la phobie scolaire ?
Il n’y a pas une cause universelle qui permettrait d’expliquer la phobie scolaire. Les facteurs sont multiples. Et les consultations mettent toujours en avant des causes au refus scolaire anxieux, avec souvent plusieurs facteurs imbriqués chez une même personne.
Il y a par une ailleurs une distinction à faire entre facteurs prédisposant, précipitant et de maintien.
Voici donc une liste des facteurs que je retrouve fréquemment chez les jeunes que je reçois.
Anxiété ou phobie sociale
Le jeune est alors stressé par toutes les situations sociales, et les difficultés dépassent la « simple » phobie scolaire. Et évidemment, il y a forcement d’autres personnes en cours, d’où l’impression d’une phobie scolaire! Mais dans ces situations, le refus scolaire anxieux n’est que la partie visible de l’iceberg…
Angoisse de séparation
On parle d’angoisse de séparation devant un stress dès lors qu’il s’agit pour le jeune de rester seul, ou de rester avec des adultes peu familiers.
Typiquement, les loulous les plus jeunes font des crises dès lors que les parents les laissent à l’école. La réaction de culpabilité des parents accentue souvent les crises, les jeunes constatant sur le visage de leur parent de la tristesse et de la culpabilité : peut-être que si j’en remets une couche, il cèdera ? Bref, les maîtresse demandent alors souvent aux parents de partir rapidement.
Chez les plus grands, l’angoisse de séparation peut aussi exister. Cependant, elle est généralement moins nette et le plus souvent alimentée par de la surprotection ou une insécurité familiale.
Insécurité ou difficulté familiale
Dès que l’on va mal, notamment en lien avec des problèmes familiaux, on est globalement plus vulnérable. Ainsi, cette vulnérabilité rend plus susceptible de développer une phobie scolaire. En cas de stress, certains dépriment, se mettent en danger ou n’arrivent plus à se concentrer en classe… pour d’autres, c’est la phobie scolaire !
Parfois, les jeunes m’expliquent qu’ils sont inquiets pour un proche malade ou dépressif. Bref, ils ont peur qu’il leur arrive quelque chose lorsqu’ils sont en classe. Et c’est cela qui en bonne part déclenche les crises d’angoisse.
Aussi, en cas de conflits familiaux, la phobie scolaire a souvent un bénéfice secondaire important. Effectivement, les parents n’apprécient généralement pas l’absentéisme secondaire au refus scolaire anxieux. La phobie peut alors s’inscrire comme un signe d’appel devant une situation de souffrance familiale ou d’opposition face à la famille.
Moqueries, rejets ou harcèlements
Tous les adolescents et les jeunes adultes que je reçois pour un refus scolaire anxieux ont vécu des moqueries, des rejets et bien souvent des harcèlements. Cela est plus rarement le cas chez les petits, bien que cela soit parfois le cas.
Le harcèlement me semble d’ailleurs de plus en plus fréquent et de plus en plus vu comme banal ou normal par certains jeunes. Et les médias tels que les réseaux sociaux majorent les conséquences négatives pour le jeune qui en est victime.
Dans l’histoire de ces jeunes harcelés, je constate régulièrement que l’identification par l’équipe pédagogique de la situation de harcèlement et les sanctions qui y sont liées ne semblent pas toujours adaptées. Cela accentue hélas la douleur des jeunes qui en sont victimes et favorise un sentiment d’impunité chez les harceleurs. Les jeunes harcelés constate souvent une triple peine : non seulement ils sont victimes de harcèlement, mais c’est souvent eux qui changent d’établissement et qui consultent par ailleurs des psychologues. L’injustice vécue les fragilise alors grandement.
Pression scolaire
Que ce soit par pression parentale, par haute exigence envers soi-même, par d’importantes attentes de l’établissement élitiste et des enseignants, en lien avec un grand frère premier de classe depuis toujours ou par difficultés scolaires (retard, dys…), toute pression scolaire peut constituer un facteur favorisant le développement et le maintien d’un refus scolaire anxieux.
Tempérament des jeunes
Quelqu’un ayant peu confiance en lui, plutôt anxieux ou réservé est plus à risque de développer une phobie scolaire qu’un jeune sûr de lui, plutôt zen et extraverti.
Évidemment, la personnalité est en lien avec l’histoire de vie : sécurisation précoce, surprotection parentale, cadre de vie, stratégies de copping…
Fonctionnement ou look atypique
Un fonctionnement atypique, lié à un handicap ou une précocité, ou un look peu commun, peut aussi fragiliser l’intégration parmi les pairs ; ce facteur protecteur est alors absent ou fragile.
Effectivement, les enfants peuvent s’exclure les uns les autres très jeunes. Dès la maternelle, certains se sentent mis de côté. Dans les éléments les plus susceptibles de participer à des difficultés d’intégration je retrouve souvent en entretien les questions d’un sur-poids, de cheveux roux ou d’une fente labio-palatine. Chez les adolescents, cela ne s’arrange évidemment pas !
Pressions et réactions de l’établissement
Certains établissements très élitistes mettent beaucoup de pression sur les jeunes concernant les résultats scolaires. Cela engendre et favorise le développement d’une anxiété de performance, qui constitue un facteur péjoratif au regard d’une phobie scolaire.
Par ailleurs, la réaction des membres de l’établissement est très importante pour ne pas exacerber ou maintenir un refus scolaire anxieux. Le sentiment des jeunes est souvent que certains directeurs ou enseignants les perçoivent comme des jeunes « capricieux » ou « exagérant » au regard de certaines phrases ou réactions.
Il s’agit pourtant bien d’un trouble et non pas d’un caprice. C’est pourquoi il est possible de sollicité des aménagements avec un PAI ou un PAP. Effectivement, si la présence en cours 24h/24 est inaccessible aux jeunes, un maintien en scolaire est important au possible et peut se faire à temps partiel. De même, durant un temps de déscolarisation, un retour progressif en milieu scolaire peut aussi nécessiter certains aménagements.
Dans les situations où ce maintien en classe, même partiel est impossible, d’autres relais sont possibles : hospitalisation avec classe intégrée, SAPAD, éventuellement CNED… Mais ces possibilités ne doivent pas être envisagées trop tôt. Si ces réponses sont trop rapides, cela ne permets pas au jeune et à ses parents de prendre conscience de l’ampleur du problème et tendent finalement à éloigner le jeune du milieu ordinaire, ce qui peut dès lors renforcer la phobie.
Enfin, la réaction de l’établissement en cas de harcèlement est essentielle. Si les responsables ne sont pas sanctionner, comment faire croire à un élève qu’il ne risque pas de voir cette situation se reproduire ?
Réponses des parents
Entre compréhension/incompréhension et angoisse par rapport au devenir de son enfant, la position parentale est évidemment très dure à tenir! Il est d’ailleurs fréquent que les parents ne soient pas toujours sur la même longueur d’onde et il est alors important de trouver un tiers qui pourra mettre au diapason la ligne éducative suivie.
Par ailleurs, les jeunes ont tendance à cacher leurs difficultés et les parents ont souvent du mal à appréhender la profondeur du malaise des jeunes. Là-aussi, quelques consultations familiales sont souvent pertinentes.
S’il est important de comprendre le malaise des jeunes, il est aussi essentiel de ne pas réagir de façon à rendre trop « facile » l’évitement scolaire. Si à chaque montée d’angoisse, même relative, les parents viennent chercher loulou qui jouera toute la journée à la console et ne sera plus obliger de faire ses devoirs… les bénéfices secondaires à la phobie scolaire seront tels qu’ils deviendront des facteurs de maintien du trouble.
Attitude des pairs
Un jeune avec une phobie scolaire a souvent tendance à s’absenter des cours ou y être partiellement présent. Les camarades ont alors souvent des idées, par toujours réelles, sur l’origine de ces absences. Bref, suivant les interprétations des membres de la classe et de ce qu’en imagine le jeune souffrant de phobie scolaire, l’attitude des pairs peut relever d’un facteur de maintien du trouble, ou pas.
Chacun alors sa façon de gérer : revoir quelques camarades de façon individuelle dans l’idée de laisser filtrer quelques informations bien choisies, afficher sa situation sans complexe, faire intervenir un membre de l’équipe pédagogique pour transmettre des informations générales sur la phobie scolaire… changer d’établissement.
En bref, comment réagir en situation de phobie scolaire ?