Devant un enfant très anxieux et/ou hypersensible, je donne souvent des stratégies visant à faire rapidement diminuer le stress général. Cela est un préalable pour travailler plus en profondeur, si je puis dire… Viens ensuite souvent le temps d’affronter ses peurs (pour les enfants phobiques) ou la peur (pour les hypersensibles) ! C’est d’ailleurs l’une des bases en thérapie cognitivo-comportementale, ou TCC.
En effet, le problème ne vient pas du fait qu’on ressente de la peur, mais plutôt qu’on se mette à paniquer ou souffrir incroyablement face à elle. Il ne s’agit donc pas d’éviter à tout prix qu’une peur survienne, mais bien d’apprendre à ne plus la craindre.
Comment ? En s’entraînant, en s’habituant !
Quand on parle de confrontation à la peur en vue d’une habituation, différentes stratégies d’exposition sont possibles. L’exposition doit idéalement être adaptée à la personne, progressive, régulièrement répétée et assez prolongée. Elle peut être en réel, en imagination, en réalité virtuelle ou interoceptive – alors pourquoi pas une exposition cinématographique ?
Il convient donc de proposer à un enfant hypersensible, lorsqu’il n’est pas trop envahi par l’angoisse, de se confronter à la peur! En s’adaptant évidemment à sa situation singulière.
Vivre l’expérience Indiana Jones…
C’est s’armer contre les potentiels dangers, accompagné d’un des plus grand héros de l’histoire du cinéma. Charismatique, beau, intelligent, l’homme au chapeau et au fouet affronte des pièges de civilisations oubliées, telle cette boule démesurée (issue à l’origine d’une bande dessinée de Picsou) venant écraser tout intrus dans les lieux sacrés, mais aussi faisant participer son spectateur à la révélation de secrets ancestraux, initiant ainsi les plus jeunes à l’Histoire, l’archéologie via les trésors les plus stimulants pour l’imaginaire. Il est aussi perspicace, malin et empli de valeurs morales, ce qui peut modéliser un référent solide et motivant pour se structurer psychologiquement.
Des aventures trépidantes pleines de dangers, aidées par une musique identifiable et fredonnante à l’infini, mais aussi des péripéties emplies d’humour pour désamorcer les angoisses que le spectacle peut procurer, ce rythme et cet humour qui doit tout autant au Tintin d’Hergé et à «l’Homme de Rio» avec Belmondo (dont le réalisateur avoue puiser son inspiration) permettent ainsi dans le confort de son salon d’affronter de diaboliques méchants que l’on adore voir se faire désintégrer de plusieurs façons différentes ou de cruels animaux (insectes rares, serpents très venimeux, rats…) mais aussi titiller le surnaturel grâce à l’utilisation d’artefacts magiques et ainsi passer de l’émerveillement à l’effroi dans un même élan de sidération, laissant une part de mystère propre à stimuler grandement l’imaginaire longtemps après la vision.
L’enfant, s’il a été emporté par le spectacle peut ainsi continuer l’aventure en allant à la source de ce qu’est Indiana Jones : les romans de Jules Vernes, les aventures de l’espion James Bond, mais aussi les jeux vidéos Tom Raider mettant en scène Lara Croft, une cousine de l’aventurier au chapeau. C’est aussi un tremplin pour se documenter sur le passé des hommes, l’Histoire et ses mystères, et peut-être créer des vocations…
L’angoisse de mort avec BeetleJuice
Un couple de jeunes mariés récemment décédés, se voient condamnés à hanter leur maison récemment achetée. Dés l’arrivée de nouveaux propriétaires, des new-yorkais branchés et snobs, le couple va se décider à les faire fuir en leur faisant peur. Échouant après plusieurs tentatives, ils vont se décider à demander les services d’un fantôme professionnel et exorciste en interim : Beetlejuice.
Beetlejuice est une comédie macabre permettant de déconstruire la peur de la mort. En effet, le film a ce talent de rendre le fantastique ordinaire et le quotidien monstrueusement grotesque. Le couple, par sa banalité et ses échecs à vouloir faire peur devient attachant tandis que les nouveaux occupants sont irritants et finalement plus bizarres que les gentils fantômes un peu paumés dans un au-delà difficile à cerner. La composition de Michael Keaton en démon lubrique est irrésistible, et la scène légendaire où les convives d’un dîner sont possédés par la Banana Boat Song, de Harry Belafonte, est un moment d’anthologie drôlissime.
Le film alterne intelligemment le macabre et le rire, l’épouvante et le grotesque, la chronique quotidienne et l’expressionnisme, la terreur face à la mort et le surréalisme des séquences d’animation en multipliant les idées étranges et loufoques (la bureaucratie absurde qu’est l’au-delà avec son lot de personnes mortes dans des conditions débiles) jusqu’à finir dans un carnaval surnaturel et baroque. Cela induit chez l’enfant l’idée de déréaliser le drame que peut être la mort, qui n’a d’importance que celle qu’il lui donne et permet de passer un bon moment avec une histoire de fantôme qui, ironiquement, ne fait pas peur !
Jurassic Park et la vulnérabilité humaine
Ghostbuster
Gremlins et le rapport aux interdits
E.T. et l’apprentissage de la vie grâce à l’ami imaginaire
E.T. l’extraterrestre raconte l’histoire d’un extraterrestre botanique qui va faire la rencontre d’Eliott, un enfant qui va l’aider à retrouver son foyer.
Durant cette histoire qui télescope intrigue de science-fiction, drame familial et ambitions spirituelles, l’enfant va entre autres apprendre à mieux appréhender le monde réel en remplaçant un membre absent de la famille par un copain intersidéral de substitution. Pour surmonter la disparition d’un être apprécié, les personnages du récit doivent vivre le divorce récent de leurs parents et faire l’expérience de l’abandon. On ne se préoccupe plus de cet univers du quotidien que l’on ne connaît que trop bien pour se concentrer alors sur l’élément extraordinaire qui s’y invite, afin de se dépasser cette triste réalité. Les enfants ne sont d’ailleurs pas toujours montrés comme de parfaits innocents malgré le drame qu’ils vivent mais comme des personnes réelles, ce qui permet une meilleure identification : ils ont des défauts (petits mensonges, roueries, et disputes dans la fratrie), mais peuvent montrer du courage, du dynamisme, et parviennent même à semer les adultes avec leurs vélos. Ce sont eux qui veulent le bien de l’autre et illustrent ce qu’est la Force du faible : des enfants motivés à aider malgré leur peu de moyens permettent de surmonter les complexes et donner du courage au jeune spectateur abattu par la vie.
Le personnages vont vivre d’autres apprentissages comme la communication : une relation magico-mentale va s’installer entre l’extraterrestre et Eliott. E.T. peut en effet transmettre au jeune garçon ses émotions par télépathie et même influencer son comportement, ce qui donne lieu dans le film à des scènes très cocasses. Avec humour et poésie, Spielberg initie le jeune spectateur aussi à l’empathie : bien que l’extraterrestre soit particulièrement laid, sa bonté et son grand cœur vont toucher les enfants de manière spirituelle. Une image symbolique qui renvoie aux très nombreuses notions évangéliques du film que se soit au niveau narratif (E.T débarque sur Terre, prend contact avec les hommes pour les rendre meilleur, meurt pour eux, ressuscite et monte au cieux) ou visuel (l’affiche et sa reprise du tableau de la création d’Adam par Michel-Ange).
En outre l’angoisse que le récit distille vient des adultes qui, à part la mère rassurante, sont présentés comme une menace tout le long du film. Illustrés autrement par d’iconiques silhouettes inquiétantes dés la scène d’ouverture, les adultes courent après un mystère qu’ils n’arrivent pas à comprendre. La manière dont le personnage interprété par Peter Coyote est illustré pendant les trois-quarts du film pourrait résumer cette idée. Le réalisateur choisit de caractériser le personnage par un trousseau de clefs. A quoi servent-elles ? Nous n’en saurons jamais rien. Ces clefs n’ont aucune utilité alors qu’elles devraient pouvoir ouvrir des portes et symboliquement permettre de changer ses perspectives. De perspective, les adultes ne semblent plus en avoir et le personnage de Coyote devient la projection adulte d’Elliot. Il est ce qu’Elliot deviendra lorsqu’il aura grandit s’il n’avait pas pu rencontrer E.T à un âge où il avait suffisamment d’innocence pour réussir à vouloir communiquer.
Spielberg dépeint un monde malade qui doit accepter de se connaître lui-même. Un tel parcours étant rude, on est toujours prêt à accepter l’aide de n’importe qui, spécialement si cet être vient d’ailleurs.